Le secteur de la rivière Fortymile fait partie du territoire ancestral des Hän. Les Tr’ondëk Hwëch’in, un sous-groupe des Hän, avaient coutume d’y venir pour chasser, pêcher, piéger et se rassembler. Ils avaient aussi établi un camp de pêche saisonnier à l’embouchure de la Klondike. Ils étaient de très bons commerçants, et s’adonnaient au troc ou à la vente de marchandises avec d’autres groupes autochtones et les Blancs nouvellement arrivés.
À l’été de 1896, le Yukon n’était encore qu’un district des Territoires du Nord-Ouest, gouverné depuis Regina et dont les frontières faisaient l’objet d’un litige avec les États-Unis. Quelques postes de traite de taille modeste étaient disséminés le long du fleuve Yukon.
Depuis la fin des années 1870, le secteur était sillonné par un petit nombre de mineurs s’employant, avec les méthodes rudimentaires de l’époque n’utilisant que des outils à main, à faire la prospection des rivières, des ruisseaux et des barres de rivière dans l’espoir d’y trouver au moins suffisamment d’or pour subvenir à leurs besoins une autre saison et, qui sait?, mettre à jour le filon chanceux qui ferait d’eux des hommes riches.
Leur nombre s’est considérablement accru après septembre 1886, suivant la découverte d’or grossier dans la Fortymile — la première découverte d’importance au Yukon. On estime qu’au tournant des années 1890, quelque 1 000 prospecteurs — la plupart de sexe masculin — étaient actifs au Yukon, principalement dans le secteur de la Fortymile.
Une petite agglomération baptisée Forty Mile s’est développée à l’embouchure de la rivière du même nom. Il est difficile d’imaginer l’isolement dans lequel vivaient ses habitants par rapport au reste du monde; l’endroit dépendait entièrement pour son ravitaillement des cargaisons acheminées le long du fleuve Yukon depuis St. Michael, en Alaska, situé à l’embouchure de la mer de Béring. Les petits bateaux à aubes qui faisaient le trajet ne pouvaient habituellement effectuer quun seul voyage par été. Jusqu’à l’arrivée du premier détachement de la Police à cheval du Nord-Ouest, en 1895, nous dit l’écrivain Pierre Berton, « l’endroit était essentiellement une ville américaine : on s’approvisionnait à partir des États-Unis, sans le moindre droit de douane à verser, et on mettait le courrier à la poste avec des timbres américains. »
À l’été de 1896, particulièrement chaud et sec, on avait dû écourter encore davantage la saison de navigation à cause de la baisse du niveau d’eau. Toutes les parcelles présentant un certain potentiel à Forty Mile avaient déjà été jalonnées, et l’avenir n’était guère prometteur en ce qui concernait l’extraction d’or. Cependant, à quelque 80 kilomètres en amont, se trouvait un petit ruisseau dont le nom allait bientôt être sur toutes les lèvres.